Comme quelques autres jeunes gens il a dû lui aussi partir pour le STO en 1943 mais le pire de l'histoire c'est qu'on a profité de lui, Albert CORRIERI, pour le faire travailler dans une usine de produits chimiques à Luwigshafen où l'on fabriquait du Zyklon B et où il avait été chargé d'approvisionner des wagons de charbon pour soutenir l'effort de guerre allemand. Il sera d'ailleurs blessé au bras lors d'un bombardement allié ! La destruction totale de l'usine où il effectuait son travail forcé le verra ensuite transféré, toujours de force, dans une autre commune où il travaillera dans des conditions moins dégradantes ne justifiait pas à ses yeux de réparation et il choisira de se taire dans un premier temps. Mais le problème c'est qu'il n'avait pas été informé de la destination du produit conçu dans la toute première usine. Ce n'est que bien plus tard qu'il apprendra que cette usine de Ludwigshafen fabriquait du Zyklon B qui servait en fait à gazer des Juifs ! Trompé par les nazis, il réagira dès lors d'autant plus violemment ! C'est ce qui a incité Albert CORRIERI hanté par les horreurs vécues durant sa jeunesse pendant les pires heures de l'histoire et de la Seconde guerre mondiale, et aujourd'hui âgé de 102 ans à réclamer 43.200 euros (soit 10 euros de l'heure) à l'Etat français au titre de sa rémunération pour les deux années de travail accomplis du 13 mars 1943 au 15 avril 1945.
Employé comme plombier dans un restaurant du Vieux-Port à Marseille en ces années d'occupation nazie, il avait été emmené le 13 mars 1943 par les Allemands et la police de Vichy, pour être requis dans le cadre du STO institué par le gouvernement de Vichy de Pierre LAVAL cela afin de répondre aux exigences allemandes de main d'oeuvre. Il n'avait que vingt ans !
Etonnamment alerte, Albert s'était présenté devant le tribunal de Marseille en février dernier comme un « oublié de l’histoire » parlant « au nom de ces jeunes Français qui ont été contraints, sous la menace, de travailler en Allemagne nazie ». Mais, le 18 mars la justice administrative a rejeté sa demande. Si en 1957, Albert CORRIERI avait obtenu le statut de « victime du travail forcé en Allemagne nazie », il n'avait pu obtenir de réparation avant que ses multiples démarches ne l'amènent à rencontrer un historien spécialisé dans tous les problèmes liés au STO et à produire de nouvelles demandes de reconnaissance. Parallèlement à son affaire, il faut savoir que le 5 février dernier, le tribunal administratif de Nice avait déjà rejeté une requête similaire déposée par un autre ancien du STO, Erpilio TROVATI, âgé de 101 ans, également défendu par l'avocat d'Albert, Maître Michel PAUTOT. Une décision contre laquelle l'avocat a fait appel.
Il est intéressant de rappeler à propos du STO les faits et ce qu'avait été la honteuse collaboration de l'Etat français avec les nazis. En mars 1942, Fritz SAUCKEL un responsable nazi, "plénipotentiaire au recrutement et à l'emploi de la main-d’œuvre" avait été chargé par le Reich de trouver des solutions susceptibles de remplacer la main d'oeuvre allemande partie guerroyer. Surnommé le "négrier de l’Europe", il avait aussitôt et dès avril fixé en France, le chiffre de 350 000 ouvriers à fournir à l’Allemagne. Le chef du gouvernement français, le honteux Pierre LAVAL, avait bien entendu obtempéré, tout en négociant en juin de la même année le principe d’une "Relève", selon laquelle pour trois travailleurs partis en Allemagne, un prisonnier de guerre français devrait être libéré. Un système qui ne donnera pas satisfaction aux autorités allemandes. En trois mois en effet, moins de 20 000 volontaires signeront des contrats et accepteront de partir travailler en Allemagne et le processus sera à l'origine de la mise en place du STO dès février 1943.
Il y aura donc beaucoup d'autres jeunes qui seront requis comme Albert et Erpilio l'ont été au début de l'année 1943 sans pouvoir échapper à ce STO, écartant la possibilité de rejoindre le maquis pour ne pas mettre en danger leurs familles, tout comme Jean RODON et Gabriel BOULOGNE dont nous avions évoqué le parcours et qui ont, chacun, fait l'objet ces derniers mois d'une publication sous notre label. Par ce qu'il fallait parler de ce qui est au fil des années devenu une véritable injustice. Eux, faute sans doute d'avoir été informés ou soutenus à leur retour, mal accueillis et parfois traités de collabos, n'avaient pas voulu entreprendre de démarches similaires à celle d'Albert et d'Erpilio en vue de récupérer ce qui leur était dû.
Vous trouverez les ouvrages et les témoignages de Jean RODON et de Gabriel BOULOGNE disponibles dans notre boutique en ligne.
JOURNAL D'UN ADOLESCENT FACE A LA GUERRE, Jean RODON, ISBN n° 978-2-918296-46-1
et LETTRES D'UN DAMNE AU COEUR DE LA MACHINE NAZIE, Cédric BOULOGNE, ISBN n° 978-2-918296-61-4