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Une peur légitime d'enfant...

Devenu soldat en Algérie (ci-dessus) à la fin des années cinquante, Michel avait longtemps repensé à sa première rencontre avec ce Wilhelm que les Alliés avaient réussi à capturer quelques années plus tôt avant qu'il gagne leur ferme et qu'il se propose d'aider ses parents, les CHOLLET. A ce moment--là il était loin de penser que celui qu'il avait redouté dès leur premier contact deviendrait par la suite ce copain qu'il regrettera de perdre trois ans plus tard. Comme si on lui arrachait une partie de lui-même !
« Bon écoute mon garçon, avait-il dit à son aîné Michel, il va falloir que tu t’y fasses et pis quoi j’vois pas d’aut’ solution pour loger ce gars-là ! On va quand même pas l’y mettre avec les bestiaux, sacré nom de Diou ! »
Michel du haut de ses dix ans n’avait pas osé protester ni s’opposer à ce qu’avait décidé son père, surtout que chez les CHOLLET le père Albert n’avait pas son pareil pour se faire respecter ! Mais sans être rassuré pour autant car cet homme avec lequel il était censé partager son grenier aménagé pour l’occasion en chambrette, il se voyait mal devoir dormir à ses côtés ! D’autant que le copain de chambrée à venir lui était apparu avec un visage taillé à coups de serpe et une casquette vissée sur le haut du front comme la pire des calamités ! Une calamité oui dont son grand-père gardait de son côté le pire des souvenirs pour avoir été obligé trente ans plus tôt de tous les repousser passé la Marne avec son vieux fusil à baïonnette. D’ailleurs, lui, le vieux CHOLLET, il ne fallait pas lui en parler de ces boches et de ce qu’ils venaient une fois encore de leur faire subir quatre ans durant !
Merde, un boche ! s'était dit le gamin quand son père lui avait demandé sans ménagement d’accueillir ce combattant sorti d’on ne sait où. S'ils l’avaient enfermé à Thorée-les-Pins lui avait d'ailleurs dit son grand-père, c’est bien que le loustic n’était pas clair. Et tout boche qu’il était, il n’avait rien de rassurant avec son regard perçant. Le garçonnet l’imaginait déjà avec cet horrible casque que portaient tous les « verts de gris » ! Et on avait beau lui avoir dit que l’homme avait accepté d’aider, pour Michel, s’il l’avait fait, c’est bien qu’il avait quelque chose à se reprocher ! Sans qu’il sache exactement quoi et où ce type-là avait pu se battre ni combien de ses semblables il avait pu tuer. Car c’était l’évidence même, il avait dû en bousiller quelques-uns et qui sait peut-être même des Français voire des gamins comme lui !
Pour Michel, cette obligation de partager sa carrée, c’était un véritable cauchemar qui lui faisait déjà regretter le bon temps passé chez ses grands-parents. Surtout qu’avec eux il faisait un peu ce qu’il voulait, devenant un peu le chouchou de la maison ! Et puis le gamin se voyait tellement mal dormir dans son grand lit avec ce boche, qu’il n’avait pas cessé de penser toute la journée à ce qu’il allait avoir à affronter le soir venu face à lui. Et, lorsqu’ils s’était retrouvés face à face, avec les deux ou trois mots de français qu’il devait avoir appris, l’homme s’était approché de lui voyant bien que le garçonnet tremblait de tous ses membres.
« Moi pas méchant, pas méchant, moi pas faire du mal gentil bubele ! Ach cheise !
Bien entendu, Michel n’avait rien compris, tellement l’élocution de ce type laissait à désirer. Pas méchant, pas méchant… Est-ce qu’il allait pouvoir fermer l’œil se sachant en danger comme il l’était d’autant qu’après avoir ôté sa veste, l’homme avait laissé apparaître des tas de cicatrices sur l'un de ses bras. Dans l’esprit du gamin, c’était clair, on leur avait envoyé un tortionnaire et ils allaient tous y passer, lui le premier ! Et pourtant, l’homme s’était aussitôt endormi en lui tournant le dos, couché, comme s’il n’avait pas voulu se dévoiler davantage. Mais si ce Wilhelm – c’était apparemment son nom – semblait épuisé par ce qu’il venait de vivre, lui, Michel, il n’entendait pas se laisser surprendre et, si ce salaud avait de mauvaises intentions, il se défendrait en alertant qui de droit. Au moins pour que son père se ravise et qu’il envoie ce type au diable !

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LA BOUTEILLE DE GOUTTE ou LE PASSE CACHE DE L'ANCIEN WAFFEN SS, Guillaume FERRAND, ISBN n° 978-2-918296-48-5