Les souvenirs de l'auteur ont refait surface qui se bousculent avec d'autant plus de force qu'ils sont liés à des images...
Extraits : Rue de la Gare, près des entrepôts de La Charbonnière, les journées étaient identiques les unes aux autres et chacune de celles que l’on y vivait ne parvenait pas à faire oublier la précédente. Comme si de sa demeure, là-haut, Saint-Pierre ou l’un des autres pensionnaires bon chic bon genre de l’endroit, avaient décidé de tuer l’avenir et d’en rester à une certaine distribution des rôles que personne n’aurait du reste songé à contester. Seulement, une dizaine d’années après la fin d’un monstrueux conflit, est-ce que le mot avenir avait encore un sens dans cette rue ? Surtout dans un quartier de laissés-pour-compte que les “bricolos” de la sainte semaine désertaient le samedi pour rejoindre leurs modestes logements d’alentour ? Car dans les années cinquante, ils y occupaient, parfois même jusqu’au samedi soir, des emplois que l’on pourrait qualifier de méritoires, souvent dans des conditions épouvantables et sans être rétribués comme ils auraient dû l’être. Quand ils l’étaient. Mais qui s’en serait préoccupé ces années-là ? En dehors des charbonniers, bougnats et autres travailleurs de force, transporteurs de combustibles ou de marchandises, beaucoup vivotaient de travaux parfois limites et de petits arrangements. Copiant en cela les ferrailleurs de Nanterre du cinéaste Claude Sautet, toujours en attente de deux ou trois enterrés ont ressurgi en moi. Encore plus nombreuses ! Au point de devenir soudain un nouveau moteur, celui qui aurait pu m’aider à comprendre pourquoi j’avais pu résister jusqu’ici à tout un lot de vacheries incommensurables sans jamais avoir eu le sentiment d’être vaincu. Ces images étaient alors devenues le prétexte à un hommage aux acteurs d’un quartier aujourd’hui disparu et à un père méconnu, un peu bougon, qui, dans un pardessus parfois râpé, s’était battu pour que nous ne manquions jamais de rien.
Car ces aînés, auxquels j’avais soudain souhaité rendre un hommage après avoir appris la disparition du quartier où j’étais né, s’ils étaient soucieux d’aller vers un certain progrès, ne perdaient pas de vue l’essentiel. Celui consistant à préserver leur entourage et ceux qu’ils aimaient sans toutefois savoir toujours le leur dire. En écrivant, et je m’en étais persuadé, ce qui comptait pour eux, c’était surtout de bien manger après avoir souffert de la faim durant la guerre et, les jours d’hiver, de faire en sorte que les leurs n’aient pas froid et ne souffrent pas d’une quelconque cochonnerie…
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C'ETAIT LE ROI DU CAFE, Louis PETRIAC, ISBN n° 978-2-918296-50-8