La disparition de Jeff que ses copains n'avaient pas voulu évoquer comme bloqués va soudain prendre un tour que l'on n'attendait pas avec ce qui ressemblait pourtant à une disparition programmée et cette lettre brutale que Marie reçut ce matin-là en prélevant son courrier dans la boîte aux lettres familiale. Mais que s'était-il donc passé avec eux ? Et pourquoi avaient-ils gardé le silence tout en sachant ce qui se préparait ?
"... Une dernière chose, ma Marie, ma lettre aussi douloureuse qu'elle doit l'être pour toi, n'est pas une lettre d'adieu. Tout au contraire, convainc-toi de cela, c'est une lettre d'espoir..."
Péniblement, en ponctuant sa lecture de longues pauses à la limite de l'asphyxie, Marie acheva de lire l'interminable plainte de son époux. Aurélie, la fille aînée qui se reposait dans le salon, perçut alors des bruits suspects. A deux reprises, elle appela sa mère. Sans réponse, inquiète, elle se précipita dans la cuisine adjacente. Alors qu'elle s'était avancé vers elle en titubant, Aurélie n'eut pas le temps de prononcer un seul autre mot avant que sa mère s'évanouisse dans ses bras. Et avant que toutes les deux glissent sur le sol carrelé. Une surface froide, pour un décor glaçant. Hébétée, revivant l'instant en accéléré, une fille caressant les cheveux de sa mère, lui parlant à voix basse tout autant pour la rassurer que pour se rassurer elle-même. Une scène de vie pétrifiante. Personne n'est jamais préparé à cela ; on ne peut en ressortir intact. Les liens du sang s'étaient activés, les rôles familiaux inversés. A présent Aurélie allait devoir veiller sur Marie. Après avoir mis trois jours à la rédiger Jeff avait déposé dans sa propre boîte aux lettres une véritable bombe à retardement. A Atur, au 8, allée de la Conciergerie, la vie venait donc de s'arrêter.
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NOS VIES DERAILLEES, Xavier LOPES, ISBN n° 978-2-918296-62-1